De l'imprécision des études sur la sexualité humaine.
- Un couple s'enlace Sabrina Campagna via Flickr CC License by -
Depuis la fondation du Kinsey Institute (un centre de recherche américain sur la sexualité), les conservateurs ne cessent de l’accuser d’être un instrument de dépravationet de mener des croisades anti-chasteté.
Mais voilà que la dernière étude de cet institut est présentée comme un hymne aux valeurs familiales. Selon les médias, cette étude, publiée dans la revue Archives of Sexual Behavior, montre que la promiscuité sexuelle rend triste, que l’engagement rend heureux, et que les hommes préfèrent l’amour et les câlins. Y a-t-il du vrai là-dedans? Observons les chiffres.
1.Les hommes aiment les câlins. C’est ce qui a le plus retenu l’attention des médias. «Les hommes ont davantage besoin de câlins que les femmes», titre par exemple le L.A. Weekly. «Ce sont les mecs qui préfèrent les câlins», affirme de son côté MSNBC. «Les câlins sont la clé des relations heureuses... pour les hommes», souligne encore CBS News.
Je n’en mettrais pas ma main à couper. L’étude n’a pas mesuré les besoins et les aspirations de chacun. Et sur la question des câlins, la différence entre les hommes et les femmes était en fait faible.
Les hommes dont les relations se caractérisaient par un nombre important de bisous et de câlins étaient environ 12% de plus que les autres hommes à se dire heureux dans leur couple (voir le tableau 6).Dave Johns, un de mes collègues de Slate, en est un parfait exemple. Les femmes souvent câlinées et embrassées étaient, elles, 9% de plus que les autres femmes à se dire heureuses dans leur couple.
Si dans les articles qui ont été publiés, il semble y avoir un fossé entre les hommes et les femmes sur cette question du câlin, c’est parce que leurs auteurs combinent dans leur analyse les câlins et les caresses. Ils soulignent que ces deux éléments – que le communiqué de presse de l’institut résume sous le mot «tendresse» - augmentent la probabilité de se dire heureux dans son couple à peu près deux fois plus chez les hommes que chez les femmes.
Mais dans le questionnaire utilisé pour l’étude, les «caresses» relèvent de la sphère sexuelle. On vous demande combien de fois vous avez été sexuellement «touché» et caressé par votre partenaire. (Voir le tableau 1). C’est plus que de la tendresse. Un bisou, ce n’est qu’un bisou, mais une cuisse c’est une cuisse.
D’autre part, alors que dans le questionnaire, les caresses viennent du partenaire de la personne interrogée, le câlin est formulé comme une activité mutuelle: «Mon partenaire et moi nous embrassons et nous câlinons l’un l’autre». Quand les hommes qui se disent heureux dans leur couple câlinent leur partenaire, c’est donc peut-être parfois la conséquence de leur bonheur, pas la cause.
2.Rester longtemps ensemble rend heureux. Selon le communiqué de presse, «plus les personnes interrogées étaient ensemble depuis longtemps, plus elles se disaient heureuses – hommes comme femmes». Les médias en ont quasi tous déduit que les «hommes et les femmes sont d’autant plus heureux dans leur couple qu’ils sont ensemble depuis longtemps». Aucune de ces affirmations n’est strictement vraie. Chez les femmes, le niveau de bonheur moyen décline durant les 15 premières années de la relation et ne commence à remonter qu’à partir de la vingtième année. (Voir la figure 1).
Les enfants pourraient expliquer en partie cela – 90% des couples interrogés en avaient. Mais la question la plus épineuse est: pourquoi, chez les femmes, la courbe du bonheur dans le couple décline pendant 15 ans, mais pas la courbe de la satisfaction sexuelle?
Souvenez-vous que cette étude porte sur les couples. Si votre relation se détériore et que vous vous séparez ou divorcez, vous ne faites plus partie de l’échantillon. A mesure que les couples comme le votre sortent du champ d’étude, la population interrogée devient donc, en moyenne, de plus en plus heureuse.
Observons le tableau des divorces du Bureau du recensement américain. Environ 40% des mariages se terminent avant la quarantième année – la moitié de ceux-ci échouent avant la quinzième année, l’autre moitié après. (Voir le tableau 2 du rapport du Bureau du recensement.) Quinze ans, c’est donc grosso modo le moment où le divorce moyen intervient. Et c’est à ce moment que la courbe du bonheur dans le couple commence à remonter pour les femmes.
La courbe de la satisfaction sexuelle est différente. Elle augmente pour les femmes tout au long de leur relation. (Voir la figure 3.)
Mais est-ce parce que les relations sexuelles s’améliorent, comme en a déduit le Los Angeles Times, ou parce que les femmes deviennent plus faciles à satisfaire?
Selon l’étude, une femme a 40% de chances d’être sexuellement satisfaite la première année de sa relation, 86% la quarantième année.
Après 40 ans de mariage, les femmes sont toutes ménopausées. En résumé, les femmes sont donc d’autant plus satisfaites que leur libido diminue et que leur partenaire vieillit. «Il se peut que la satisfaction des femmes augmente avec le temps parce que leurs attentes changent», admet l’auteur qui a coordonné l’étude, Julia Heiman, qui dirige le Kinsey Institute.
3.La promiscuité sexuelle rend malheureux. Les auteurs expliquent que «plus les hommes ont eu de partenaires dans leur vie, moins ils sont susceptibles d’être satisfaits sexuellement». Dans les dents, les coureurs de jupon! «Désolé Charlie Sheen», glousse un journaliste.
Mais cette étude ne concerne ni les hommes célibataires ne les jeunes mariés. Elle porte sur les couples ensemble depuis longtemps.
Les hommes interrogés avaient entre 39 et 70 ans, l’âge médian étant de 55 ans. Il ne s’agissait donc pas d’étudier les hommes dans leur période de chasse, mais leur satisfaction ultérieure, une fois engagés dans une relation, par rapport à leur phase de chasse.
Plus ils étaient heureux à l’époque –plus ils étaient satisfaits sexuellement– moins ils ont de chances d’être satisfaits dans la vie sexuelle monogame dans laquelle ils sont désormais confinés. Est-ce alors un réquisitoire contre la promiscuité sexuelle ou contre la monogamie?
On peut aussi interpréter les choses dans l’autre sens: les hommes qui changent de partenaire se comportent ainsi parce qu’ils sont difficiles à satisfaire. Ils sont donc encore moins satisfaits une fois engagés.
«La recherche de meilleures partenaires ou de meilleures expériences sexuelles peut s’expliquer par un manque de satisfaction», remarque l’auteur. «Mais avoir plus de partenaires peut aussi venir d’exigences différentes, issues d’une plus grand expérience.» Ou, pour le dire moins joliment, des exigences supérieures.
4.Les hommes qui se préoccupent du plaisir de leur partenaire sont plus heureux. Selon les auteurs, «les hommes qui tenaient le plus à ce que leur partenaire atteigne l’orgasme étaient aussi ceux qui se disaient les plus heureux dans leur relation de couple». Mais on n’a pas demandé aux hommes de l’étude si l’orgasme de leur partenaire comptait pour eux. On leur a posé une question légèrement différente: «A quel point le fait que votre partenaire atteigne l’orgasme est-il important lorsque vous avez une relation sexuelle?»
Pour les hommes, qui ont compris qu’il s’agissait d’évaluer l’importance, la réponse était évidente. Tout le monde le sait, vous êtes supposé dire que votre partenaire est importante. Sur une échelle de 1 à 10, où 10 marque l’importance maximum, les femmes ont estimé à 7,96 l’importance de l’orgasme de leur partenaire, les hommes à 8,53. (Voir le tableau 2.)
Pourquoi certains ont-ils donné une évaluation inférieure à 10? Peut-être parce qu’ils estimaient que la satisfaction de leur partenaire n’est pas si importante.
Mais plus probablement parce qu’ils minimisaient l’importance de l’orgasme en général. La décomposition des résultats hommes/femmes confirme cette hypothèse: alors que les femmes étaient moins nombreuses à dire que l’orgasme de leur partenaire était important, elles étaient aussi moins à estimer que leur propre orgasme comptait.
Pourquoi minimiseriez-vous l’importance de l’orgasme? Peut-être parce que votre partenaire éprouve des difficultés à l’atteindre, à cause de l’âge, de la santé ou d’un autre facteur. C’est si le cas, c’est sans doute cette difficulté sous-jacente qui explique que vous êtes moins satisfait de votre relation, pas le fait que vous n’ayez pas donné un «10» à l’importance du plaisir de votre femme.
Le lien de causalité peut aussi être inversé, comme pour les câlins: plus vous êtes heureux avec votre femme, plus vous vous préoccupez de son plaisir.
5.Les hommes veulent de l’amour, les femmes du sexe. «Un sondage montre que les hommes ont besoin de câlins et que les femmes aiment le sexe», titre le magazine Time. «Les hommes cherchent les câlins, les femmes la satisfaction sexuelle», trouve-t-on du côté du Boston Globe.«La satisfaction sexuelle est plus importante pour les femmes», explique MSNBC.
Mais l’étude ne mesure pas ce que les femmes aiment ou cherchent. Elle mesure leur degré de satisfaction. Plus d’hommes que de femmes s’estiment heureux dans leur couple, alors que plus de femmes que d’hommes se disent satisfaites de leur vie sexuelle. Ce qui ne signifie pas que les femmes accordent plus d’importance au sexe, cela pourrait en fait vouloir dire le contraire.
Explications. Dans des études précédentes, les auteurs avaient conclu que «les hommes se disaient habituellement plus satisfaits par leur vie sexuelle que les femmes, et, ce, peu importe le contexte socioculturel.»Ce que cette étude ne confirme pas.
En quoi est-elle différente? «C’est la première étude internationale sur des individus en couple qui se concentre sur des hommes et des femmes d’âge avancé, ensemble depuis une durée médiane de 25 ans». Bref, les hommes et les femmes interrogés étaient tous engagés dans des relations longue durée.
Supposons qu’en moyenne, les hommes accordent plus d’importance au sexe que les femmes, alors que les femmes accordent plus d’importance à l’amour que les hommes. Célibataires, les hommes auraient donc plus tendance à rechercher le sexe que les femmes, et donc plus tendance à obtenir ce qu’ils veulent. Ils seraient donc plus susceptibles de s’estimer satisfaits sur le plan sexuel.
Mais si nous enfermons ces mêmes hommes et femmes dans des relations exclusives, le résultat est différent. Dans chaque couple, le plus petit dénominateur commun l’emporte. L’homme ne peut avoir plus de sexe que la femme ne veut lui en donner. Celle-ci ne peut avoir plus d’amour que l’homme ne lui en donne.
Résultat: un taux plus élevé de satisfaction sexuelle chez les femmes que chez les hommes, et un niveau de satisfaction de la relation de couple plus élevé chez les hommes que chez les femmes. Alors même que les premières accordent plus d’importance à l’amour et les seconds au sexe.
Chacune des théories que j’ai exposées ici peuvent être remises en cause. Mes interprétations cyniques des chiffres pourraient ne pas résister à un examen approfondi. Mais je pense que l’interprétation toute rose des médias n’y résisterait pas non plus. L’amour et le sexe sont bien trop compliqués. Les hommes et les femmes aussi.
Par William Saletan
Traduit par Aurélie Blondel
Source : www.slate.fr
Mais voilà que la dernière étude de cet institut est présentée comme un hymne aux valeurs familiales. Selon les médias, cette étude, publiée dans la revue Archives of Sexual Behavior, montre que la promiscuité sexuelle rend triste, que l’engagement rend heureux, et que les hommes préfèrent l’amour et les câlins. Y a-t-il du vrai là-dedans? Observons les chiffres.
1.Les hommes aiment les câlins. C’est ce qui a le plus retenu l’attention des médias. «Les hommes ont davantage besoin de câlins que les femmes», titre par exemple le L.A. Weekly. «Ce sont les mecs qui préfèrent les câlins», affirme de son côté MSNBC. «Les câlins sont la clé des relations heureuses... pour les hommes», souligne encore CBS News.
Je n’en mettrais pas ma main à couper. L’étude n’a pas mesuré les besoins et les aspirations de chacun. Et sur la question des câlins, la différence entre les hommes et les femmes était en fait faible.
Les hommes dont les relations se caractérisaient par un nombre important de bisous et de câlins étaient environ 12% de plus que les autres hommes à se dire heureux dans leur couple (voir le tableau 6).Dave Johns, un de mes collègues de Slate, en est un parfait exemple. Les femmes souvent câlinées et embrassées étaient, elles, 9% de plus que les autres femmes à se dire heureuses dans leur couple.
Si dans les articles qui ont été publiés, il semble y avoir un fossé entre les hommes et les femmes sur cette question du câlin, c’est parce que leurs auteurs combinent dans leur analyse les câlins et les caresses. Ils soulignent que ces deux éléments – que le communiqué de presse de l’institut résume sous le mot «tendresse» - augmentent la probabilité de se dire heureux dans son couple à peu près deux fois plus chez les hommes que chez les femmes.
Mais dans le questionnaire utilisé pour l’étude, les «caresses» relèvent de la sphère sexuelle. On vous demande combien de fois vous avez été sexuellement «touché» et caressé par votre partenaire. (Voir le tableau 1). C’est plus que de la tendresse. Un bisou, ce n’est qu’un bisou, mais une cuisse c’est une cuisse.
D’autre part, alors que dans le questionnaire, les caresses viennent du partenaire de la personne interrogée, le câlin est formulé comme une activité mutuelle: «Mon partenaire et moi nous embrassons et nous câlinons l’un l’autre». Quand les hommes qui se disent heureux dans leur couple câlinent leur partenaire, c’est donc peut-être parfois la conséquence de leur bonheur, pas la cause.
2.Rester longtemps ensemble rend heureux. Selon le communiqué de presse, «plus les personnes interrogées étaient ensemble depuis longtemps, plus elles se disaient heureuses – hommes comme femmes». Les médias en ont quasi tous déduit que les «hommes et les femmes sont d’autant plus heureux dans leur couple qu’ils sont ensemble depuis longtemps». Aucune de ces affirmations n’est strictement vraie. Chez les femmes, le niveau de bonheur moyen décline durant les 15 premières années de la relation et ne commence à remonter qu’à partir de la vingtième année. (Voir la figure 1).
Les enfants pourraient expliquer en partie cela – 90% des couples interrogés en avaient. Mais la question la plus épineuse est: pourquoi, chez les femmes, la courbe du bonheur dans le couple décline pendant 15 ans, mais pas la courbe de la satisfaction sexuelle?
Souvenez-vous que cette étude porte sur les couples. Si votre relation se détériore et que vous vous séparez ou divorcez, vous ne faites plus partie de l’échantillon. A mesure que les couples comme le votre sortent du champ d’étude, la population interrogée devient donc, en moyenne, de plus en plus heureuse.
Observons le tableau des divorces du Bureau du recensement américain. Environ 40% des mariages se terminent avant la quarantième année – la moitié de ceux-ci échouent avant la quinzième année, l’autre moitié après. (Voir le tableau 2 du rapport du Bureau du recensement.) Quinze ans, c’est donc grosso modo le moment où le divorce moyen intervient. Et c’est à ce moment que la courbe du bonheur dans le couple commence à remonter pour les femmes.
La courbe de la satisfaction sexuelle est différente. Elle augmente pour les femmes tout au long de leur relation. (Voir la figure 3.)
Mais est-ce parce que les relations sexuelles s’améliorent, comme en a déduit le Los Angeles Times, ou parce que les femmes deviennent plus faciles à satisfaire?
Selon l’étude, une femme a 40% de chances d’être sexuellement satisfaite la première année de sa relation, 86% la quarantième année.
Après 40 ans de mariage, les femmes sont toutes ménopausées. En résumé, les femmes sont donc d’autant plus satisfaites que leur libido diminue et que leur partenaire vieillit. «Il se peut que la satisfaction des femmes augmente avec le temps parce que leurs attentes changent», admet l’auteur qui a coordonné l’étude, Julia Heiman, qui dirige le Kinsey Institute.
3.La promiscuité sexuelle rend malheureux. Les auteurs expliquent que «plus les hommes ont eu de partenaires dans leur vie, moins ils sont susceptibles d’être satisfaits sexuellement». Dans les dents, les coureurs de jupon! «Désolé Charlie Sheen», glousse un journaliste.
Mais cette étude ne concerne ni les hommes célibataires ne les jeunes mariés. Elle porte sur les couples ensemble depuis longtemps.
Les hommes interrogés avaient entre 39 et 70 ans, l’âge médian étant de 55 ans. Il ne s’agissait donc pas d’étudier les hommes dans leur période de chasse, mais leur satisfaction ultérieure, une fois engagés dans une relation, par rapport à leur phase de chasse.
Plus ils étaient heureux à l’époque –plus ils étaient satisfaits sexuellement– moins ils ont de chances d’être satisfaits dans la vie sexuelle monogame dans laquelle ils sont désormais confinés. Est-ce alors un réquisitoire contre la promiscuité sexuelle ou contre la monogamie?
On peut aussi interpréter les choses dans l’autre sens: les hommes qui changent de partenaire se comportent ainsi parce qu’ils sont difficiles à satisfaire. Ils sont donc encore moins satisfaits une fois engagés.
«La recherche de meilleures partenaires ou de meilleures expériences sexuelles peut s’expliquer par un manque de satisfaction», remarque l’auteur. «Mais avoir plus de partenaires peut aussi venir d’exigences différentes, issues d’une plus grand expérience.» Ou, pour le dire moins joliment, des exigences supérieures.
4.Les hommes qui se préoccupent du plaisir de leur partenaire sont plus heureux. Selon les auteurs, «les hommes qui tenaient le plus à ce que leur partenaire atteigne l’orgasme étaient aussi ceux qui se disaient les plus heureux dans leur relation de couple». Mais on n’a pas demandé aux hommes de l’étude si l’orgasme de leur partenaire comptait pour eux. On leur a posé une question légèrement différente: «A quel point le fait que votre partenaire atteigne l’orgasme est-il important lorsque vous avez une relation sexuelle?»
Pour les hommes, qui ont compris qu’il s’agissait d’évaluer l’importance, la réponse était évidente. Tout le monde le sait, vous êtes supposé dire que votre partenaire est importante. Sur une échelle de 1 à 10, où 10 marque l’importance maximum, les femmes ont estimé à 7,96 l’importance de l’orgasme de leur partenaire, les hommes à 8,53. (Voir le tableau 2.)
Pourquoi certains ont-ils donné une évaluation inférieure à 10? Peut-être parce qu’ils estimaient que la satisfaction de leur partenaire n’est pas si importante.
Mais plus probablement parce qu’ils minimisaient l’importance de l’orgasme en général. La décomposition des résultats hommes/femmes confirme cette hypothèse: alors que les femmes étaient moins nombreuses à dire que l’orgasme de leur partenaire était important, elles étaient aussi moins à estimer que leur propre orgasme comptait.
Pourquoi minimiseriez-vous l’importance de l’orgasme? Peut-être parce que votre partenaire éprouve des difficultés à l’atteindre, à cause de l’âge, de la santé ou d’un autre facteur. C’est si le cas, c’est sans doute cette difficulté sous-jacente qui explique que vous êtes moins satisfait de votre relation, pas le fait que vous n’ayez pas donné un «10» à l’importance du plaisir de votre femme.
Le lien de causalité peut aussi être inversé, comme pour les câlins: plus vous êtes heureux avec votre femme, plus vous vous préoccupez de son plaisir.
5.Les hommes veulent de l’amour, les femmes du sexe. «Un sondage montre que les hommes ont besoin de câlins et que les femmes aiment le sexe», titre le magazine Time. «Les hommes cherchent les câlins, les femmes la satisfaction sexuelle», trouve-t-on du côté du Boston Globe.«La satisfaction sexuelle est plus importante pour les femmes», explique MSNBC.
Mais l’étude ne mesure pas ce que les femmes aiment ou cherchent. Elle mesure leur degré de satisfaction. Plus d’hommes que de femmes s’estiment heureux dans leur couple, alors que plus de femmes que d’hommes se disent satisfaites de leur vie sexuelle. Ce qui ne signifie pas que les femmes accordent plus d’importance au sexe, cela pourrait en fait vouloir dire le contraire.
Explications. Dans des études précédentes, les auteurs avaient conclu que «les hommes se disaient habituellement plus satisfaits par leur vie sexuelle que les femmes, et, ce, peu importe le contexte socioculturel.»Ce que cette étude ne confirme pas.
En quoi est-elle différente? «C’est la première étude internationale sur des individus en couple qui se concentre sur des hommes et des femmes d’âge avancé, ensemble depuis une durée médiane de 25 ans». Bref, les hommes et les femmes interrogés étaient tous engagés dans des relations longue durée.
Supposons qu’en moyenne, les hommes accordent plus d’importance au sexe que les femmes, alors que les femmes accordent plus d’importance à l’amour que les hommes. Célibataires, les hommes auraient donc plus tendance à rechercher le sexe que les femmes, et donc plus tendance à obtenir ce qu’ils veulent. Ils seraient donc plus susceptibles de s’estimer satisfaits sur le plan sexuel.
Mais si nous enfermons ces mêmes hommes et femmes dans des relations exclusives, le résultat est différent. Dans chaque couple, le plus petit dénominateur commun l’emporte. L’homme ne peut avoir plus de sexe que la femme ne veut lui en donner. Celle-ci ne peut avoir plus d’amour que l’homme ne lui en donne.
Résultat: un taux plus élevé de satisfaction sexuelle chez les femmes que chez les hommes, et un niveau de satisfaction de la relation de couple plus élevé chez les hommes que chez les femmes. Alors même que les premières accordent plus d’importance à l’amour et les seconds au sexe.
Chacune des théories que j’ai exposées ici peuvent être remises en cause. Mes interprétations cyniques des chiffres pourraient ne pas résister à un examen approfondi. Mais je pense que l’interprétation toute rose des médias n’y résisterait pas non plus. L’amour et le sexe sont bien trop compliqués. Les hommes et les femmes aussi.
Par William Saletan
Traduit par Aurélie Blondel
Source : www.slate.fr